Un Spectacle de plus : Le "Président" Trump Convie à Sa Table, Pour Un « Sommet » d’Une Durée “Sans Précédent” De Deux Jours, Cinq Nations Africaines !
Par Dorine Houston et Ndayikeze Apollinaire | Mercredi 9 juillet 2025
Ah, l'Afrique ! Ce continent aux mille facettes, terre de tous les fantasmes et de toutes les projections, est, encore une fois, sous les feux de la rampe diplomatique américaine. Le "Président" Trump, cet incroyable homme d'État dont le sens de la nuance et la profondité géopolitique n'ont d'égales que ses tweets matinaux, nous a offert un spectacle de plus… inattendu. Imaginez un peu la scène : le dirigeant de la première puissance mondiale convie à sa table, pour un « sommet » d’une durée “sans précédent” de deux jours (un déjeuner de travail, tout de même !), cinq nations africaines. Et pas n’importe lesquelles ! point de géants économiques ou de phares démocratiques reconnus de tous les côtés du globe. Non, mes chers amis, le choix s’est porté sur le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée-Bissau, le Gabon et le Libéria. Un assemblage, comme le souligne discrètement un diplomate américain sous couvert d'anonymat (quelle surprise !), qui soulève de "curieuses questions" quand on sait que ces pays ne sont précisément pas les "poids lourds de l'économie africaine". C'est là, dans cette ironie initiale, que se niche la substance de cette rencontre, un ballet diplomatique où les intentions affichées cachent souvent des réalités bien plus prosaïques et, osons le dire, cyniques.
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| Président Donald Trump | Photo rare par Apollinaire N. |
Cette rencontre, annoncée comme historique, soulève des questions sur ses véritables intentions : opportunité stratégique, posture symbolique, ou simple vitrine politique ? Tandis que l’on parle de « prospérité mutuelle », beaucoup y voient surtout un spectacle géopolitique où l’Afrique joue encore le rôle de figurant.
Bienvenue donc dans le grand théâtre des relations internationales, où une main tendue peut cacher une pince, et où la "prospérité mutuelle" est souvent une formule consacrée pour camoufler un intérêt bien unilatéral. Ce sommet, présenté par la Maison Blanche comme une occasion d'« écouter les préoccupations et les priorités » de l'Afrique pour promouvoir l'investissement privé et des partenariats économiques plus profonds, est en réalité une illustration éloquente des mutations des politiques étrangères, en particulier américaines, sur le continent. Alors, démêlons ensemble les fils de cette intrigue complexe, en scrutant les détails, en cernant les motivations cachées, et en osant la critique là où les discours officiels se taisent.
I. Le casting étonnant : petits maîtres du jeu et grandes richesses oubliées
Commençons par ce qui frappe d'emblée : le choix des invités. Le Sénégal, avec sa façade atlantique et sa relative stabilité démocratique, est certes un acteur régional, mais l'inclure avec la Mauritanie, la Guinée-Bissau, le Gabon et le Libéria, tous situés sur la côte Atlantique, forme un ensemble qui interroge. Si l'on s'attendait à voir l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Égypte ou même le Kenya - des puissances économiques ou régionales avec une influence avérée - c'est une toute autre liste qui s'est retrouvée sur les tables de la Maison Blanche.
Pourquoi donc ces cinq ? La réponse, subtilement glissée dans le texte, est moins philanthropique qu'économique et stratégique. Si ces nations ne sont pas des « poids lourds économiques » au sens macroscopique, elles possèdent néanmoins des « ressources sous-exploitées » qui ont manifestement attiré l'œil aiguisé de Washington. Le Gabon, par exemple, est cité pour son manganèse et son uranium, des minerais cruciaux pour l'industrie moderne, l'énergie nucléaire et la transition énergétique. Dans un monde où la sécurisation des chaînes d'approvisionnement devient une obsession géopolitique, l'accès à ces ressources rares est une priorité absolue. Ce n'est pas le partenariat pour le développement qui est visé ici, mais une forme de néo-extractivisme déguisé sous les atours du commerce.
Le Libéria, quant à lui, cherche à se positionner non plus comme un éternel bénéficiaire d'aide, mais comme un « partenaire commercial ». Une aspiration louable, certes, mais n'oublions pas que sa dépendance historique vis-à-vis de l'aide internationale (et son passé lié aux intérêts américains, notamment sa fondation par d'anciens esclaves américains) rend sa position délicate. Les autres nations, de la Guinée-Bissau à la Mauritanie, ont également leurs propres attraits, qu'il s'agisse de ports stratégiques ou de potentiels (souvent inexploités) en hydrocarbures ou en ressources halieutiques. Le tableau est clair : le grand jeu des nations ne se joue pas sur le terrain de la charité, mais sur celui des intérêts convergents, ou du moins, superposés.
II. Les vraies priorités américaines : sécurité, concurrence et adieu à l'aide
Le discours officiel martèle que le commerce, l'investissement et la sécurité sont les piliers de cette rencontre. Derrière cette trinité vertueuse se cachent des dynamiques bien plus complexes, révélatrices d'un changement de paradigme dans la politique étrangère américaine sous l'ère Trump, un changement qui, quoi qu'on en dise, a des conséquences profondes sur le continent africain.
A. Le mirage de la prospérité et le désengagement de l'aide
L'affirmation selon laquelle « les pays africains offrent des opportunités commerciales incroyables » est une rengaine. Le problème, c'est que ces opportunités sont souvent asymétriques. L'objectif avoué de Washington de « promouvoir l'investissement privé » est séduisant, mais il s'inscrit dans un contexte de désengagement manifeste de l'aide au développement traditionnelle. La mention de la « fermeture de l'USAID » – l'agence américaine pour le développement international – est un signal fort et alarmant. Historiquement, l'aide américaine, bien que souvent critiquée pour ses conditions et son efficacité, a joué un rôle non négligeable dans la santé, l'éducation et l'infrastructure de nombreux pays africains. La « pivot » de Washington, s'éloignant de l'aide pour se concentrer sur le commerce, n'est pas nécessairement une émancipation de la dépendance, mais plutôt un déplacement des outils d'influence.
On peut se demander si ce « pivot » est réellement une main tendue vers l'« auto-suffisance » africaine ou s'il ne s'agit pas plutôt d'une externalisation des risques et des coûts, réduisant la présence américaine à une logique purement transactionnelle. L'idée que les leaders africains doivent désormais « embrasser l'autonomie » est un message qui sonne bien, mais qui ignore souvent les réalités structurelles, les dettes colossales (le Sénégal, par exemple, est aux prises avec une dette publique de 111,4 % de son PIB et attend un prêt crucial du FMI), la faiblesse des institutions et la vulnérabilité aux chocs externes. Pour beaucoup, la fin de l'aide pourrait signifier une plus grande difficulté à financer des projets sociaux essentiels ou à résorber des crises humanitaires.
B. La sécurité : un levier stratégique et un combat contre le trafic
La sécurité est l'autre pilier inévitable. La coopération accrue en la matière, notamment dans la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée, est une priorité non dissimulée pour les États-Unis. Cette région, d'une importance stratégique croissante pour le commerce mondial et l'approvisionnement énergétique, est une zone de non-droit où la piraterie coûte des milliards et met en péril les chaînes d'approvisionnement. Washington y voit une opportunité d'étendre son influence militaire et de sécuriser ses intérêts maritimes.
Mais la sécurité prend aussi une forme plus sombre. La Guinée-Bissau, par exemple, est devenue un « point de transit clé pour la cocaïne » entre l'Amérique latine et l'Europe. La remise de quatre trafiquants condamnés aux autorités américaines en avril 2024 n'est pas un acte anodin ; elle symbolise l'intérêt profond des États-Unis pour la lutte contre le trafic de drogue international, un enjeu de sécurité nationale pour eux. En échange de cette coopération sécuritaire, les pays africains espèrent un soutien économique, ce qui crée un lien indissociable entre "aide" (même masquée) et "sécurité". C'est un échange de bons procédés : nous vous aidons à sécuriser vos côtes et à lutter contre le crime organisé, et en retour, vous nous ouvrez les portes de vos ressources et de vos marchés.
C. La concurrence géopolitique : L'ombre chinoise et russe
Enfin, il serait naïf de croire que cette initiative américaine est dénuée de considération géopolitique. Le texte le dit clairement : Washington cherche à « contrer l'influence chinoise et russe en Afrique ». Pékin a investi massivement sur le continent, construisant des infrastructures à grande échelle et devenant le premier partenaire commercial de nombreux pays africains. Moscou, de son côté, a renforcé sa présence militaire et politique, notamment en soutenant la nouvelle « Alliance des États du Sahel » (Mali, Burkina Faso, Niger), une alliance qui borde certains des pays invités.
Ce sommet n'est donc pas seulement une question de « prospérité mutuelle », mais aussi une partie du grand jeu des puissances pour la prééminence sur le continent. Les États-Unis, voyant leur influence traditionnelle grignotée, réactivent leurs leviers, non pas par un regain d'intérêt désintéressé pour le développement africain, mais par une nécessité stratégique de maintenir un équilibre des pouvoirs et de sécuriser leurs propres intérêts mondiaux face à des concurrents de plus en plus audacieux.
III. Les Enjeux africains : entre espoirs frugaux et réalités brutes
Si Washington a ses propres objectifs, les leaders africains ne viennent pas les mains vides d'attentes. Leurs pays sont confrontés à des défis colossaux, et tout dialogue, même teinté de réalisme amer, est perçu comme une opportunité.
A. La migration : une crise écrasante
La migration est un enjeu central, et la mention des « routes migratoires actives » sur la côte atlantique est ici cruciale. Le cas du Sénégal est édifiant : plus de 20 000 Sénégalais interceptés à la frontière américano-mexicaine au premier semestre 2024, soit une augmentation décuplée en deux ans ! C'est le symptôme d'une crise économique et sociale profonde, d'un désenchantement de la jeunesse face à l'absence de perspectives. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, fraîchement élu et porteur d'un message de rupture, est attendu pour soulever la question de la dette de son pays et la nécessité de débloquer le prêt du FMI. Pour ces nations, la capacité à gérer la migration illégale est souvent liée à la vitalité de leur économie et aux opportunités offertes à leur population. Washington, préoccupée par sa propre frontière sud, peut être tentée d'offrir des incitations (voire des pressions) pour que ces pays renforcent leurs contrôles migratoires en amont, une approche souvent critiquée pour externaliser la gestion des flux migratoires sans s'attaquer aux causes profondes.
B. La dette et le développement industriel : une main tendue ou un piège ?
La crise de la dette est une litanie pour de nombreux pays africains, et le Sénégal n'est qu'un exemple parmi d'autres. La suspension du prêt du FMI pour des « irrégularités de données » sous une administration précédente est une pilule amère à avaler pour la nouvelle équipe. La promesse d'un « partenariat commercial » plutôt que d'une simple « aide » est certes un signe de dignité pour des nations comme le Libéria, mais la question demeure : ces partenariats seront-ils équitables ? Contribueront-ils à une industrialisation réelle, comme le souhaitent les officiels gabonais, ou simplement à une exportation brute de ressources, perpétuant ainsi une dépendance économique structurelle?
Le président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, a qualifié la visite de "très importante", espérant un soutien économique. Ces espoirs, légitimes, se heurtent souvent aux dures réalités des négociations, où les plus puissants dictent les termes.
IV. Les ombres au tableau et le retour du passé
Au-delà des discours policés, ce sommet est entaché de plusieurs ombres. L'une des plus frappantes est l'absence programmée d'« apparitions à la presse » pour la réunion de mercredi. Ce manque de transparence est alarmant et suggère une réticence à exposer au grand jour les discussions, ou peut-être la volonté d'éviter des questions gênantes.
On se souvient, en effet, des « réunions problématiques » passées, notamment celle où Trump a montré au président sud-africain Cyril Ramaphosa une vidéo promouvant de fausses allégations de « génocide blanc ». Ce genre d'incident, profondément insultant et irrespectueux, jette une lumière crue sur la perception que certains dirigeants américains peuvent avoir de leurs homologues africains et du continent en général.
Enfin, le paradoxe ultime : le fait que le Gabon, le Libéria, la Mauritanie et le Sénégal fassent partie des 36 pays actuellement examinés pour une éventuelle inclusion dans une interdiction de voyager américaine, selon un mémo interne récent. Inviter des dirigeants pour parler de "partenariat" et de "prospérité mutuelle" alors que leurs citoyens sont potentiellement ciblés par une telle interdiction, c'est une contradiction flagrante qui rime avec l'hypocrisie la plus crasse. Comment construire une confiance durable dans de telles conditions ? Comment parler d'opportunités quand on ferme potentiellement les portes aux personnes elles-mêmes ?
Un sommet "Pour Qui, Pour Quoi ?"
Au final, ce « sommet sans précédent » entre les États-Unis et ces cinq pays africains est un miroir des complexes relations internationales du 21e siècle. L'ironie du début, celle d'un président américain célébrant les "opportunités incroyables" avec des nations loin d'être les mastodontes de l'économie africaine, se confirme et s'épaissit. Ce n'est pas un sommet de la bienveillance désintéressée, mais plutôt une manœuvre stratégique qui, sous couvert de nouveaux partenariats commerciaux, vise à sécuriser des ressources vitales, à combattre le crime organisé transfrontalier et à endiguer l'influence croissante des rivaux géopolitiques.
Les leaders africains, pris dans le maelström de leurs propres défis (dette, migration, développement), saisissent cette perche, même si elle est tendue par des mains aux intentions diverses et parfois contradictoires. Leurs espoirs de soutien économique et de reconnaissance en tant que partenaires à part entière sont louables, mais la réalité est que les termes de l'engagement sont souvent dictés par les intérêts du plus puissant.
Alors, la « prospérité mutuelle » promise ? Elle reste, pour l'heure, un horizon lointain, une promesse floue dans le brouillard des intérêts nationaux. Ce sommet est moins le début d'une ère nouvelle que la perpétuation d'un grand jeu où l'Afrique, avec ses richesses et ses maux, demeure un échiquier où les puissances mondiales déplacent leurs pions, avec ou sans le consentement éclairé de ses acteurs. Et dans ce jeu, la transparence et la réciprocité équitable restent des denrées rares, plus précieuses encore que le manganèse ou l'uranium.

Il est parfois fascinant de voir à quel point certains sommets diplomatiques, si bien emballés dans des discours de "prospérité mutuelle" et de "partenariat équitable", semblent suivre une chorégraphie où les intérêts stratégiques l'emportent sur la transparence. Peut-être assistons-nous ici à bien plus qu'un simple déjeuner de travail… Peut-être que derrière les poignées de main et les belles photos, se joue un ballet discret de priorités non dites.
RépondreSupprimerL’Afrique mérite des dialogues sincères – pas seulement des vitrines symboliques. Et lorsqu’une rencontre décline volontairement les apparitions à la presse, ou sélectionne des invités aux ressources bien ciblées, on peut légitimement se demander : ce sommet est-il vraiment pour l’Afrique, ou plutôt pour ceux qui savent manier les ficelles invisibles du pouvoir ?