Que Cherchent Vraiment Museveni et Paul Biya ?
Par Edima Fassé | Jeudi 17 juillet 2025
Dans le paysage politique africain contemporain, certaines figures semblent défier le temps, s'accrochant au pouvoir avec une ténacité qui suscite autant l'analyse que l'inquiétude. Les présidents Yoweri Museveni en Ouganda et Paul Biya au Cameroun incarnent cette tendance de manière frappante. À la tête de leurs nations respectives depuis des décennies, leur longévité soulève une question fondamentale : que cherchent-ils vraiment ? Au-delà de la simple ambition personnelle, leur maintien au pouvoir révèle les mécanismes complexes et les conséquences de la gérontocratie, un système où le pouvoir est confisqué par une élite vieillissante, souvent au détriment du renouveau démocratique et de la stabilité à long terme. Cette analyse se penchera sur les cas du Cameroun et de l'Ouganda pour décrypter les ressorts et les implications de ces règnes prolongés.
Cameroun et Ouganda : miroirs d'une gérontocratie installée
Le phénomène de la gérontocratie, ou le gouvernement par des vieillards, n'est pas nouveau. Cependant, son application dans les contextes camerounais et ougandais modernes illustre une forme de stagnation politique particulièrement préoccupante.
Au Cameroun, la situation est emblématique. Le président Paul Biya, âgé de 92 ans, est au pouvoir depuis 1982. L'annonce de sa candidature pour un huitième aux élections présidentielles officiellement programmées pour le 12 octobre 2025 mandat ne fait que confirmer une réalité bien ancrée : pour environ 75 % de la population camerounaise, il est le seul chef d'État qu'ils aient jamais connu. Cette permanence au sommet de l'État s'est construite sur une histoire singulière. L'arrivée au pouvoir de Biya en 1982 fut le fruit d'une transition orchestrée par son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo. Inspiré par le passage de témoin de Léopold Sédar Senghor à Abdou Diouf au Sénégal, Ahidjo choisit son Premier ministre, Paul Biya, pour lui succéder, pensant conserver le contrôle du parti et, par extension, du pays. Il voyait en Biya un homme loyal, discret et malléable. L'histoire a prouvé à quel point ce calcul était erroné. Une fois en fonction, Biya s'est méthodiquement émancipé, allant jusqu'à accuser son mentor de complot, le forçant à un exil définitif.
Cette leçon historique a façonné le "système Biya". Pour éviter de subir le sort qu'il a lui-même infligé, le président a érigé un véritable rempart de fidélité autour de lui, constitué de collaborateurs de longue date, eux-mêmes très âgés. Le pouvoir au Cameroun est une affaire de doyens. Le président du Sénat et successeur constitutionnel, Marcel Niat Njifenji, a 90 ans. Le président de l'Assemblée nationale, Cavayé Yéguiyé Djibril, 85 ans, est en poste depuis plus de trois décennies. Le ministre de la Justice, Laurent Esso, a 82 ans, tandis que le président du Conseil constitutionnel, Clément Atangana, qui valide les résultats électoraux, en a 84. La chaîne de commandement sécuritaire suit la même logique, avec un directeur général de la police âgé de 93 ans et un chef d'état-major des armées de 86 ans. Ce système verrouillé garantit la stabilité du régime à court terme, mais il crée une déconnexion abyssale avec une population majoritairement jeune et empêche l'émergence de nouvelles idées et de nouveaux leaders.
Cameroun : jeunesse muselée, pouvoir figé – une répression politique à l’ère du refus de renouveau
A la veille des élections présidentielles de 2025 au Cameroun, le climat politique s’assombrit pour les jeunes militants et aspirants au changement. Le pays, dirigé depuis plus de quatre décennies par Paul Biya, 92 ans, s'enfonce dans un schéma de gérontocratie, où le renouvellement générationnel est perçu comme une menace plutôt qu’une opportunité.
Répression ciblée des jeunes leaders
Du 9 au 11 septembre 2024, six membres de l’organisation Pouvoir au peuple camerounais (PPC) ont été arrêtés dans la ville de Figuil, au nord du pays, pour avoir porté des tee-shirts jugés subversifs et participé à une manifestation non autorisée. Ces arrestations arbitraires reflètent une tendance alarmante : toute forme de dissidence jeune est réprimée, étouffant la participation politique et les voix alternatives.
▶️ Voir le rapport d’Amnesty International
Le verrouillage du système politique
Malgré l’émergence de jeunes figures comme Cabral Libii, Christian Ntimbane Bomo ou encore des activistes issus de la société civile, les structures institutionnelles demeurent fermement contrôlées par une élite âgée, avec des postes clés occupés par des dirigeants septuagénaires, octogénaires et nonagénaires. La marge d’expression démocratique s’amenuise, et les organes électoraux eux-mêmes manquent de transparence.
▶️ Analyse du paysage électoral
Une jeunesse en quête de représentativité
De plus en plus de jeunes revendiquent leur droit à une gouvernance inclusive, moderne et tournée vers l’avenir. Ils dénoncent les contrats miniers opaques, le manque d’accès à l’emploi et une éducation inadaptée aux réalités économiques. Cependant, sans espace politique équitable, leurs revendications se heurtent à des institutions figées et un refus d’ouverture.
▶️ Interview de jeunes militants
Entre stabilité politique et stagnation démocratique
Le gouvernement défend son approche comme garante de la paix et de la stabilité, mais la stabilité sans évolution devient stagnation. Le Cameroun ne pourra relever ses défis sans permettre l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants, capables d’incarner les aspirations populaires et d’affronter les enjeux de demain.
"Alors que les présidentielles de 2025 approche, le Cameroun est à la croisée des chemins. La manière dont le pays gérera cette tension entre l'ancien et le nouveau, entre la gérontocratie et l'aspiration au renouvellement, déterminera non seulement le visage de la prochaine présidence, mais aussi la capacité du pays à bâtir un avenir inclusif et prospère pour tous ses citoyens. La question reste ouverte : le Cameroun saura-t-il transformer cette menace perçue en une opportunité de transformation profonde ?"
En Ouganda, le tableau présente des similitudes troublantes. Yoweri Museveni, 80 ans, s'apprête à briguer un septième mandat en 2026, après près de quarante ans au pouvoir. Arrivé en leader rebelle promettant la fin des dictatures et une gouvernance renouvelée, il a progressivement consolidé son emprise. Son parcours est celui d'une promesse démocratique qui s'est érodée au fil du temps. Les modifications constitutionnelles successives, notamment la suppression de la limite d'âge présidentielle, ont été des étapes clés pour lui permettre de se maintenir en place. Aujourd'hui, l'annonce de sa candidature intervient dans un climat de forte répression. Des organisations comme Human Rights Watch et Amnesty International documentent régulièrement les intimidations, les enlèvements et les détentions arbitraires visant les membres de l'opposition.
Cette crispation du pouvoir est directement liée à la montée en puissance de figures comme le musicien et homme politique Bobi Wine. Incarnant la jeunesse et le désir de changement, Wine représente une menace existentielle pour le régime de Museveni. La confrontation entre le leader vieillissant et la jeune opposition illustre le fossé générationnel et idéologique qui fracture le pays. Le Mouvement de Résistance Nationale (NRM), le parti au pouvoir, fonctionne désormais comme une machine entièrement dédiée à la réélection de son chef historique, transformant le processus électoral en un exercice de légitimation plutôt qu'en une véritable compétition.
"Rien n'est permanent, sauf le changement." - Héraclite
Les conséquences systémiques : quand le temps s'arrête
L'obsession de la continuité au pouvoir de dirigeants comme Biya et Museveni engendre des conséquences profondes et durables. La première et la plus évidente est qu'il n'y a pas de démocratie véritable. Lorsque les élections sont prévisibles, que l'opposition est systématiquement réprimée et que les institutions sont peuplées de loyalistes, le vote perd son sens. La souveraineté populaire est remplacée par la volonté d'un seul homme et de son clan. Ce déni démocratique nourrit le cynisme et l'apathie au sein de la population, ou au contraire, des frustrations qui peuvent un jour exploser de manière incontrôlée.
La deuxième conséquence majeure est l'absence totale de préparation pour l'avenir. En effet, un bon leader inculque à celui qui va le remplacer très tôt les valeurs et les compétences nécessaires pour assurer une transition en douceur. En refusant de nommer ou même de laisser émerger un successeur crédible, ces présidents créent un dangereux vide. Leur pouvoir est si personnalisé que les institutions de l'État ne fonctionnent qu'en fonction de leur présence. Le jour de leur départ, qu'il soit volontaire ou non, le risque d'une guerre de succession féroce est immense, menaçant de plonger le pays dans l'instabilité, voire le chaos. La structure entière, bâtie sur la loyauté à une personne plutôt que sur des principes institutionnels, menace de s'effondrer.
Ceci nous amène à une réflexion finale : en politique, tout est éphémère. La quête d'éternité de ces leaders est une illusion. En s'accrochant au pouvoir, ils ne construisent pas un héritage durable, mais une parenthèse historique dont la fin est inéluctable. Leur véritable legs risque d'être non pas des nations fortes et stables, mais des États affaiblis, privés d'institutions robustes et d'une culture démocratique. En cherchant à tout contrôler, ils garantissent paradoxalement que l'avenir, après eux, sera incertain et potentiellement tumultueux. La véritable question n'est donc pas de savoir s'ils parviendront à rester au pouvoir jusqu'à leur dernier souffle, mais quel État et quelle société ils laisseront derrière eux. Pour le Cameroun comme pour l'Ouganda, l'ombre de leurs dirigeants vieillissants plane lourdement sur l'avenir de millions de jeunes citoyens en attente de changement.

Quelle honte! L’alternance politique n’est pas une menace — c’est le souffle vital des démocraties mûres et des sociétés qui aspirent à l’équité, au progrès et à l’unité durable. Aux pays concernés, dont le Rwanda, le Cameroun et l’Ouganda, cette transition ne signifie pas l’instabilité, mais plutôt l’ouverture à des idées neuves, à la jeunesse engagée, et à des politiques plus inclusives. Refuser le renouvellement, c’est risquer l’essoufflement des institutions et la rupture avec les aspirations populaires.
RépondreSupprimer💬 La répression, quant à elle, affaiblit les nations : elle freine le talent, étouffe le débat et engendre une méfiance corrosive entre gouvernants et gouvernés. Encourager une opposition bien informée et une alternance apaisée — voilà la voie du dialogue constructif, de la paix durable et du renouveau légitime.
✨ Que chaque pays ait le courage de transformer le pouvoir en mission, la gouvernance en service, et la jeunesse en moteur d’avenir. Rien n’est plus grand qu’un leader qui sait partir avec dignité, laissant derrière lui des institutions solides et une société confiante.
Je dis ça calmement, mais avec le cœur : on ne peut pas continuer à confier l’avenir du Cameroun à des dirigeants qui ont dépassé l’âge de la retraite depuis deux décennies. Le pays est jeune, dynamique, plein d’idées — mais le pouvoir reste bloqué entre les mains d’une élite du 5e âge. Ce n’est pas une question d’irrespect, c’est une question de bon sens. Il est temps de passer la main, de faire confiance à la jeunesse, et de construire un avenir qui parle aux réalités d’aujourd’hui. Gouverner, ce n’est pas s’accrocher — c’est transmettre.
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