Burkina Faso : Le Gouvernement Rejette le rapport de l’ONU et Déclare la Coordinatrice résidente Persona Non Grata
Par Marie McCain | Mardi 19 Aout 2025

La décision du gouvernement du Burkina Faso de déclarer Madame Carol Flore-Smereczniak, Coordinatrice résidente du Système des Nations Unies, "persona non grata" est un événement diplomatique majeur qui met en lumière les tensions croissantes entre les États et les organisations internationales, particulièrement dans les contextes de conflit armé. Ce geste, motivé par un rapport de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé au Burkina Faso", soulève des questions fondamentales sur la souveraineté nationale, la méthodologie des rapports internationaux et la délicate équation entre la lutte contre le terrorisme et le respect des droits humains. L'analyse approfondie de cette situation révèle un point d'achoppement entre la perception nationale de la sécurité et la volonté de transparence et d'impartialité des instances multilatérales.

I. Le Rapport Onusien : Un Choc Méthodologique et Narratif

Au cœur de cette crise se trouve le rapport du Secrétaire général des Nations Unies, dont le contenu et la genèse sont vivement contestés par le gouvernement burkinabè. La principale critique formulée est l'absence de consultation et de participation des autorités nationales dans son élaboration. Le communiqué officiel dénonce un document "élaboré sans la participation ni la consultation des autorités nationales, ce qui remet en cause sa crédibilité." Cette accusation de défaut de collaboration est fondamentale, car elle touche à la légitimité même du processus de collecte d'informations. Pour Ouagadougou, un rapport concernant le territoire national et ses dynamiques internes devrait nécessairement impliquer les acteurs étatiques pour être considéré comme fiable et équilibré.

Au-delà de la méthode, le gouvernement conteste la substance du rapport, le qualifiant de compilation d'« informations sans fondements ». Le point le plus litigieux réside dans le fait qu'il "cite indistinctement les forces nationales de défense et de sécurité ainsi que les groupes terroristes". Cette équivalence perçue est inacceptable pour l'État burkinabè, qui se bat contre des groupes qu'il qualifie de "barbares". Le communiqué insiste sur l'absence d'"enquêtes, de preuves judiciaires ou de décisions de justice" pour étayer les "affirmations non étayées" contenues dans le rapport. Cette critique souligne une divergence profonde sur les standards de preuve et la légitimité des sources d'information. Pour le Burkina Faso, le rapport de l'ONU, en ne distinguant pas clairement les forces étatiques des groupes terroristes, non seulement manque de rigueur mais risquerait même de "légitimer la violence terroriste" en nivelant la perception des acteurs du conflit. La diffusion d'un tel document devant une instance aussi stratégique que le Conseil de Sécurité des Nations Unies est perçue comme une grave atteinte à l'image et à la réputation du pays.

II. La Question de la "Terminologie Équivoque" et la Lutte contre le Terrorisme

La controverse autour du rapport s'intensifie avec la question des "terminologies équivoques" utilisées par certaines agences onusiennes, un grief ancien et récurrent du gouvernement burkinabè. Le communiqué exprime "l’étonnement de la persistance de certaines agences du Système des Nations Unies au Burkina Faso dans l’utilisation avec légèreté et à dessein des terminologies équivoques cachant une volonté manifeste de légitimation ou de requalification de la barbarie dont le peuple burkinabè est victime depuis une décennie." Cette insistance sur la terminologie révèle une profonde sensibilité du gouvernement quant à la manière dont le conflit est conceptualisé et rapporté par la communauté internationale.

Pour les autorités burkinabè, qualifier les actions des groupes terroristes par des termes qui ne les dépeignent pas explicitement comme des actes de "barbarie" ou qui n'établissent pas une distinction nette avec les opérations des forces régulières, revient à brouiller les lignes et, potentiellement, à normaliser ou légitimer des atrocités. Le communiqué rappelle qu'une "mise au clair officielle sans équivoque avait pourtant été faite le 25 mars 2025 suite à une convocation des Représentants desdites agences", ce qui intensifie le sentiment de frustration face à ce qui est perçue comme une défiance persistante. Cette divergence sur le lexique n'est pas qu'une question sémantique ; elle est au cœur de la stratégie de communication du gouvernement qui vise à délégitimer totalement les groupes armés et à consolider le soutien interne et international à sa lutte. La perception d'une terminologie neutre ou ambiguë de la part de l'ONU est interprétée comme un manque de reconnaissance de la gravité de la menace terroriste et de la souffrance du peuple burkinabè.

III. La Décision de Persona Non Grata : Une Réponse Diplomatique et Ses Implications

La déclaration de Madame Carol Flore-Smereczniak comme "persona non grata" est l'aboutissement de cette accumulation de frustrations et de désaccords. Cette mesure radicale, rarement appliquée à des hauts fonctionnaires des Nations Unies, est une expression forte de l'indignation du gouvernement. La Coordinatrice résidente est tenue pour responsable en raison de sa "responsabilité dans la coprésidence de l’élaboration d’un rapport compilant des données sans sources objectives, sans preuves ni justificatifs, véhiculant des informations graves et mensongères." Pour le gouvernement, le fait qu'elle ait confirmé des informations "de manière unilatérale, sans les documenter par des preuves juridiquement acceptables" la rend "plus une interlocutrice crédible" dans le cadre de la coopération.

Cette décision envoie un message clair : le Burkina Faso ne tolérera pas ce qu'il perçoit comme des ingérences non fondées ou des rapports biaisés, surtout s'ils sont présentés devant le Conseil de Sécurité. C'est une affirmation de la souveraineté nationale et de la volonté des autorités de contrôler le récit autour de leur conflit. Cependant, une telle décision comporte des risques. Déclarer une Coordinatrice résidente persona non grata peut entraver les opérations des Nations Unies dans le pays, notamment l'acheminement de l'aide humanitaire, la coordination des programmes de développement et le dialogue politique, même si le gouvernement a tenu à rassurer sur sa volonté de coopération future. Cela illustre un dilemme pour les États en crise : comment équilibrer la nécessité de préserver leur souveraineté et leur image avec le besoin d'aide et de soutien international.

IV. Entre Rupture et Continuité : La Volonté de Coopération du Burkina Faso

Malgré la décision ferme concernant la Coordinatrice résidente, le gouvernement burkinabè a veillé à ne pas rompre complètement les ponts avec l'Organisation des Nations Unies. Le communiqué "réaffirme son attachement aux idéaux de l’Organisation des Nations Unies" et "salue son rôle dans les domaines humanitaire et sécuritaire." Cette nuance est cruciale et témoigne d'une stratégie diplomatique consistant à cibler une action ou un représentant spécifique tout en cherchant à maintenir la relation globale avec l'entité.

Le Burkina Faso réitère sa "totale disponibilité à coopérer avec l’Organisation des Nations Unies, à travers des représentants et des équipes pays résolument engagés dans un accompagnement vrai et sincère." Cette phrase est pleine de sens : elle indique que la porte reste ouverte, mais sous certaines conditions. Le gouvernement exige un "accompagnement vrai et sincère", ce qui implique une approche plus respectueuse de sa souveraineté, une meilleure coordination et consultation dans l'élaboration des rapports, et une terminologie qui ne soit pas perçue comme compromettant ses efforts ou légitimant l'adversaire. Il s'agit d'une tentative de redéfinir les termes de la coopération, en insistant sur le respect mutuel et l'alignement des objectifs, particulièrement dans la lutte contre le terrorisme. Le gouvernement souhaite que les agences onusiennes reconnaissent pleinement le défi sécuritaire auquel le pays est confronté et que leur soutien soit perçu comme un véritable partenariat et non comme une surveillance critique unilatérale.

De toutes les façons, la déclaration de Carol Flore-Smereczniak comme persona non grata par le Burkina Faso est un événement révélateur des tensions inhérentes à la coopération internationale dans des contextes de conflit. Au-delà de l'incident diplomatique, cette crise met en lumière un conflit d'interprétation et de méthodologie entre un État souverain luttant pour sa survie face au terrorisme et une organisation internationale dont le mandat inclut la surveillance des droits humains et la protection des populations vulnérables. Le gouvernement burkinabè a clairement exprimé son rejet de toute forme de "requalification de la barbarie" et son exigence d'une collaboration fondée sur la consultation et la crédibilité des informations.

Alors que le Burkina Faso réaffirme son attachement aux idéaux de l'ONU, la balle est désormais dans le camp des deux parties pour restaurer la confiance et définir des modalités de coopération qui respectent les prérogatives souveraines de l'État tout en permettant à l'ONU de remplir son mandat crucial dans les domaines humanitaire et de développement. La résolution de cette crise exigera une diplomatie habile et une volonté mutuelle de comprendre les perspectives de chacun, afin d'éviter que de tels désaccords ne compromettent l'aide nécessaire aux populations victimes du conflit. L'épisode burkinabè servira sans doute de cas d'étude sur l'équilibre délicat entre la souveraineté nationale, l'ingérence humanitaire et la transparence des rapports internationaux.

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